Le quatrième Président de la Fédération Française Handisport, de 1981 à 2007, et fondateur du paralympisme en France, s’est éteint dans la soirée du 4 août 2022, à l’âge de 84 ans. Tel un majestueux et imposant volcan de son Puy-de-Dôme natal, à la force exceptionnelle et à l’épreuve de tous les combats, André Auberger aura donné son énergie, son engagement et plus encore, à la défense des droits et à la reconnaissance des personnes en situation de handicap dans la société, principalement grâce au sport. La Fédération Française Handisport lui témoigne toute son admiration et sa reconnaissance pour le précieux héritage qu’il a construit, entrainant plusieurs générations de passionné(e)s derrière lui, et qu’il nous confie aujourd’hui.
Guislaine Westelynck, présidente de la Fédération Française Handisport :
« Ce sont plusieurs et intenses chapitres de notre belle Histoire commune qui se tournent en ce 4 août, avec la disparition d’André Auberger. Un homme profondément humain, audacieux et rayonnant, impressionnant par son parcours, les combats qu’il a menés personnellement et pour l’intérêt général. Avec l’équipe des pionniers, ils ont donné vie à notre belle fédération, riche de ses valeurs, de ses femmes et de ses hommes, qui ne comptent pas leur énergie pour faire grandir la place de la personne en situation de handicap dans notre société. Nous perdons un grand Homme. Nous ne l’oublierons jamais. Accompagnée de l’ensemble des membres du Comité directeur et des équipes de la Fédération, j’adresse toutes nos condoléances à ses proches et ami(e)s en ces tristes heures et le témoignage de notre profonde gratitude. »
Gérard Masson, président de la FFH de 2007-2017, et président d’Honneur de la FFH :
« Aujourd’hui nous quitte l’un des plus grands défenseurs de la cause qui anime le Mouvement handisport, un bâtisseur engagé et tenace dès les origines. Je suis si fier de l’avoir eu comme Ami et compagnon de route, profondément humain, charismatique et inspirant pour les nouvelles générations. Tes combats, tes mots et tes succès, nous les garderons comme de précieux héritages et sources de progrès pour demain. »
Les obsèques se dérouleront à Chambray-les-Tours, vendredi 12 août dans l’après-midi, l’inhumation aura lieu le lendemain, samedi à Clermont-Ferrand.
Une Cérémonie commémorative avec les Honneurs militaires se déroulera en septembre aux Invalides à Paris.
André AUBERGER, portrait d’un bâtisseur
Extrait des « Chroniques du Mouvement » (Merci aux auteurs Alain Siclis, Christian Paillard, François Luquet)
Présentation
Quel parcours, et quel exemple pour la grande famille handisport ! Voici retracée la grande histoire d’un personnage hors du commun, à travers son propre témoignage et mes archives personnelles d’un dirigeant sportif, à la fois bénévole et grand patron. André Auberger est né le 20 mai 1938 dans la propriété familiale au 32 avenue du Puy-de-Dôme à Clermont- Ferrand. Marié à Marie-Claude, ils ont un fils et deux petits-enfants.
Parcours
Baccalauréat, préparation de licence en droit, intègre la Société Générale où il préparera l’inspection bancaire et avant de partir à l’armée, il fut affecté d’office comme tous les fils uniques en Algérie le 6 janvier 1962. Deux mois plus tard, alors élève officier de réserve, il tombe dans une embuscade le 6 mars de la même année, et depuis cette date il est en fauteuil roulant.
Activités
– Trésorier le l’Association des Plus Grands Invalides de Guerre d’Indre et Loire & Loir et Cher depuis 1968
– Fondateur et Président du Comité d’Organisation du “Trophée cycliste international handisport” depuis 1974
– Membre du conseil d’administration de l’Association Française pour un Sport sans Violence et le Fair Play (AFSVFP) depuis 2009
– Membre du conseil d’administration de l’Académie Nationale Olympique Française depuis 2009
– Membre du jury de la Fondation des Mutuelles du Mans depuis 1994
– Fondateur et Président d’Honneur de la Fondation du Sport Français depuis 2011
– Membre du bureau exécutif de la Fondation des Mutilés et Invalides de Guerre depuis 2011
Réalisations particulières
Au niveau national
Réalisation de la Résidence Internationale de Paris (300 lits, 3 types de restauration, 14 salles de réunion et 1 centre national de formation) entièrement adaptée aux personnes handicapées mais également ouverte à tout public.
Ecrivain, auteur du livre “Un fauteuil pour la vie” en 2009 aux éditions du Cherche Midi.
Au niveau international
Fondateur de la Solidarité et du Développement Paralympique au sein de l’International Para- lympic Commitee pour aider les pays en voie de développement.
Le sport et le dirigeant sportif
Durant sa jeunesse, il pratique le football en scolaire, et, sur le plan associatif, le tennis de table et le tir.
Après sa blessure, il fut hospitalisé un an au Val de Grâce, en attente d’obtenir une place de rééducation aux Invalides où il fallait attendre de longs mois, et où il restera près de trois ans.
Reprenant une activité sportive en Touraine après son mariage, aussitôt il fit le constat que rien n’était accessible ni adapté pour les personnes handicapées en fauteuil roulant plus particulièrement. Ainsi, pendant trois ans, jusqu’en 1969, licencié au Cercle Sportif de l’Institution Nationale des Invalides, il fit du sport, en l’occurrence du tir.
Ne pouvant accepter de rester sans activité, avec un ami, également blessé de guerre, Charles de Belder, et deux camarades, anciens d’Algérie, ils ont lancé le sport pour personnes handicapées dans toute la région “Centre”, en commençant par la création de l’Association Sportive des Handicapés de Touraine. C’est ainsi qu’est né en 1969 ce qui a été appelé, sept ans plus tard, “le Handisport”
Loin du football de sa jeunesse, il reprit le tennis de table et le tir, commençant peu après le basket-ball en fauteuil roulant où rapidement il apprécia et retint toutes les qualités sportives, humaines et morales d’un sport d’équipe.
Les premiers Jeux Mondiaux de Saint-Etienne se profilaient à l’horizon, et pour y développer le tir, avec Georges Morin, le président fondateur du Cercle Sportif de l’I.N.I, créèrent la discipline qui démarra avec ces Jeux. Sélectionné à la carabine 50 m, il termina à la 3ème place de la compétition, gagnée par un suédois, Hans Lindstrôm, qu’il retrouva quelques 20 ans plus tard à l’I.P.C. À l’échelon national, il fut six fois champion de France de tir (1970 et 1971 FFSHP), (1972, 1973 et 1974 FFOHP).
Il pratiqua le basket-ball pendant 12 ans, et lors de la scission fédérale, Il fut, avec son équipe de Tours, champion de France FFOHP 1976.
Le sport pour personnes handicapées réunifié en 1977 sous l’égide de la Fédération Française Handisport, avec l’équipe de Tours, en nationale 1, ils se classèrent 3ème de la coupe de France à Vichy en 1981.
Peu après, élu président de la fédération, il dû abandonner le basket-ball de compétition qu’il n’avait plus le droit de pratiquer en tant que président fédéral.
Ainsi, sa carrière sportive a pris fin courant 1981, non sans une pointe de regrets pour un sport, le basket, qu’il aimait beaucoup.
Il est également un autre sport qu’il a toujours suivi, et pour lequel il a une grande passion : le cyclisme. Malheureusement, très jeune il s’était rendu compte que sur le plan de la compétition, le vélo n’était peut-être pas son sport. Et, devenu handicapé suite à sa blessure en 1962, conservant sa passion intacte pour le cyclisme, il suivait les étapes du Tour de France à la télévision.
Arrive le Tour 1964, et la fameuse étape du Puy de Dôme, à coté de chez lui, avec la bataille entre Anquetil et Poulidor : un des plus grands moments du sport. Il partit à six heures du matin, avec ses parents et des amis, laissant les voitures au pied du Puy de Dôme pour finir les cinq derniers kilomètres, présentant une pente de 14 %, qu’il gravit seul dans son fauteuil roulant, il avait alors 26 ans.
Revenons sur ce moment inoubliable vécu, il faut dire que les relations dans la vie peuvent bien faire les choses : douze ans plus tard Jacques Anquetil et Raymond Poulidor étaient réunis autour de lui pour le “Trophée cycliste Handisport” qu’il fonda en 1974. Quarante ans plus tard, la 41ème édition du Trophée fut célébrée en présence de quelques 12 000 spectateurs.
Mais pourquoi créer une telle manifestation ? Nous sommes en 1973 et le sport pour personnes handicapées est inexistant dans le grand public, il en est encore à ses balbutiements. Seul le basket-ball est un peu suivi, sans plus et sans spectateurs. Les manifestations sportives, y compris les Jeux Paralympiques, se déroulent dans le plus strict anonymat.
Pour être mieux connu, il a donc pensé associer des coureurs handicapés physiques à des professionnels ; mais, sans les meilleurs, rien ne serait possible. Pour la première édition, en 1974, avec l’accord de Roger Piel, son patron, Il prit contact avec Raymond Poulidor, et, spontanément il lui a donné son accord, précisant qu’il viendrait gracieusement.
Ainsi, pendant ces quelques 40 ans il a toujours été à ses côtés, comme Jean-Pierre Danguillaume, et les autres reviennent régulièrement, de Bernard Hinault à Bernard Thévenet ou Joop Zoetemelk, pour soutenir le Handisport, que du bonheur ! Cette épreuve est unique au monde, car elle associe dans l’épreuve des solos un “pro” et un handisport, le “Trophée cycliste Handisport”, petit “Barrachi” des handicapés, elle est une institution qui doit perdurer avec la participation et le soutien de tous : État, collectivités, partenaires économiques, sans oublier A.S.O. et la société du Tour de France.
En tant que dirigeant, André Auberger fut président de la Fédération Française Handisport durant 27 ans, lui apportant une notoriété exponentielle unique. Il en fut également précédemment son trésorier, créa le Comité Paralympique et Sportif Français (CPSF) et fut trésorier général du Comité National Olympique et Sportif Français (CNOSF).
Il fût également
– Président d’honneur de la Fédération Française Handisport, depuis 2007
– Président d’honneur du Comité Paralympique et Sportif Français, depuis 2009
– Trésorier général honoraire et Comité National Olympique et Sportif Français, depuis 2009
– Fondateur et président d’honneur de la Fondation du Sport Français, depuis 2011
Distinctions, à titre militaire
– Commandeur de la Légion d’Honneur en 2006 (Officier en 1989, Chevalier en 1979)
– Médaille Militaire en 1967, Croix de la Valeur Militaire en 1962
Distinctions, à titre civil
– Commandeur de l’Ordre National du Mérite en 1994
– Médaille d’Or de la Jeunesse et des Sports en 1985
– Prix Helde de l’Académie des Sports en 1979 – Ordre Paralympique, échelon Or en 2001
– Médaille “Grand Or” de la Fédération des
Médaillés Jeunesse et Sports en 2008
– Echelon “Or” des Palmes du Bénévolat de la Fondation du Bénévolat en 2012
Homme au caractère bien trempé, André Auberger allie humanisme et altruisme et le monde handisport lui doit admiration et respect. C’est un vrai “juste”, visionnaire, qui ne connaît pas les obstacles et qui s’investit sans réserve dans tout ce qu’il entreprend. C’est à coup sûr le “Zeus de l’Olympe Handisport”.